En matière de bail commercial, lorsque des loyers et charges, dus pour la période d’occupation postérieure au jugement prononçant le redressement judiciaire ou la liquidation judiciaire du locataire, sont impayés, le bailleur peut agir notamment en résiliation de bail et expulsion. Mais, il ne peut le faire qu’après expiration d’un délai de trois mois à compter de ce jugement.

L’article L.641-12 du Code de commerce dispose en effet de : « Sans préjudice de l’application de I et II de l’article L.641-11-1, la résiliation du bail des immeubles utilisés pour l’activité de l’entreprise intervient dans les conditions suivantes : … 3° Le bailleur peut également demander la résiliation judiciaire ou faire constater la résiliation de plein droit du bail pour défaut de paiement des loyers et charges afférents à une occupation postérieure au jugement de liquidation judiciaire, dans les conditions prévues aux troisième à cinquième alinéas de l’article L.622-14 … »

L’article L.622-14, qui est relatif à la procédure de sauvegarde et est l’applicable au redressement judiciaire par les dispositions de l’article L.631-14, alinéa 1, énonce que : « Sans préjudice de l’application du I et II de l’article L.622-13, la résiliation du bail des immeubles données à bail au débiteur et utilisés pour l’activité de l’entreprise intervient dans des conditions suivantes : … 2° Lorsque le bailleur demande la résiliation ou fait constater la résiliation du bail pour défaut de paiement des loyers et charges afférents à une occupation postérieurs au jugement d’ouverture, le bailleur ne pouvant agir qu’au terme d’un délai de trois mois à compter dudit jugement… »

Ainsi, en cas de non paiement des loyers et charges dus pour une occupation postérieure au jugement de liquidation judiciaire, le bailleur ne peut agir en résiliation du bail qu’à l’expiration d’un délai de trois mois à compter du jugement d’ouverture.

Une action en résiliation introduite avant ce terme de trois mois est irrecevable.

Il importe donc de déterminer le point de départ du délai de trois mois.

Si le Tribunal prononce immédiatement la liquidation judiciaire du locataire, le point de départ du délais est la date du prononcé du jugement d’ouverture de la liquidation.

En revanche, la question du point de départ se pose véritablement, lorsque le Tribunal ouvre une procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire, puis rend un jugement convertissant l’une de ces procédures en procédure de liquidation judiciaire.

Deux points de départs de délai peuvent se concevoir : 

  • soit le délai court à compter du jugement d’ouverture de la liquidation judiciaire ; 
  • soit le délai courts à compter du jugement d’ouverture de la procédure de sauvegarde du redressement judiciaire.

La Cour de Cassation a tranché cette difficulté dans le cadre de l’affaire suivante.

Un locataire a été mis en redressement judiciaire par jugement du 27 septembre 2010.

Par jugement du 8 novembre 2010, le redressement judiciaire a été converti en liquidation judiciaire.

Par acte du 28 septembre 2010, le bailleur a fait délivrer au liquidateur judiciaire un commandement de payer avec visa de la clause résolutoire pour les loyers échus depuis le jugement du 27 septembre 2010 jusqu’au 8 novembre 2010.

Sur assignation du bailleur en date du 7 février 2011, le juge des référés a constaté le résiliation de plein droit du bail au 28 janvier 2011 (date effet du commandement. La décision a mentionné par simple erreur matérielle le 28 janvier 2010) et ordonné l’expulsion du locataire.

Cette décision était confirmée par la Cour d’Appel. 

Le pourvoi a fait grief à la Cour d’avoir fait courir le délai de trois mois au jour du jugement prononçant le redressement judiciaire et non au jour du prononcé de la liquidation judiciaire et d’avoir ainsi violé les articles L.622-14 et L.641-12 du Code de commerce.

En d’autres termes, la thèse du pourvoi revient à imposer au bailleur un délai total de six mois (soit trois mois à compter du jugement d’ouverture et trois nouveaux mois à compter du jugement de conversion).

Par un arrêt du 19 février 2013, la Cour de Cassation a jugé que « l’action en résiliation du bail pour défaut de paiement des loyers et charges afférents à une occupation postérieure au jugement de liquidation judiciaire, prévue à l’article L.641-12, 3°, du Code de Commerce, ne peut être engagée avant l’expiration d’un délai de trois mois à compter du jugement d’ouverture ; que le point de départ de ce dernier soit la date du jugement d’ouverture de la liquidation judiciaire lorsque celle-ci est prononcée immédiatement, soit celle du jugement d’ouverture de sauvegarde ou de redressement judiciaire en cas de conversion de la procédure en liquidation judiciaire ».

Dans ces conditions, en cas de prononcé d’une procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire, puis de jugement de conversion de la sauvegarde ou du redressement judiciaire en liquidation judiciaire, le bailleur ne doit pas attendre l’expiration d’un délai de trois mois à compter de ce jugement de conversion pour agir en résiliation et expulsion.

Le bailleur peut agir dès lors qu’un délai de trois mois s’est écoulé depuis le jugement d’ouverture de procédure initiale.

Cette solution vaut tant pour les loyers et chargés impayés postérieurement au jugement d’ouverture initiale, que pour des loyers et charges qui ne seraient plus payés seulement depuis le jugement de conversion.

Le bailleur doit donc être vigilant et diligent s’il veut récupérer ses locaux, d’autant que le juge peut accorder des délais de paiement et « suspendre la résiliation et les effets de clauses de résiliation » en application de l’article L.145-41 du Code du commerce.

Chacun appréciera si l’équilibre entre les différentes parties est ainsi assuré.

Du point de vue du bailleur, certainement pas, trois mois d’attente déjà et en plus possibilité d’octroi de délais.

Du point de vue du locataire, davantage : trois mois d’attente seulement mais en contrepartie possibilité d’obtenir des délais.

Du point de vue des autres créanciers : leur intérêts l’emporte toujours sur celui du bailleur.