Les salariés sont souvent les plus durement touchés par l’ouverture d’une procédure collective. Aux salaires impayés, s’ajoute souvent l’angoisse de ne pas parvenir à faire reconnaître ses droits et de perdre son emploi. C’est pourquoi la loi a prévu un dispositif spécial, dispensant les salariés de la déclaration de leurs créances et leur offrant plusieurs garanties de paiement.

Votre employeur est en redressement judiciaire : que devient votre contrat de travail ?

L’ouverture de la procédure n’a pas pour effet de mettre fin aux contrats de travail des salariés. Mais des licenciements économiques pourront intervenir durant la période d’observation. Ils sont réalisés par l’administrateur judiciaire, sur ordonnance du juge-commissaire. Celle-ci indique le nombre de salariés licenciés, les activités et catégories professionnelles concernées. L’administrateur va ensuite désigner les salariés mentionnés et les licencier, en respectant la procédure spécifique prévue dans le cas des procédures collectives. Attention, les lettres de licenciement doivent être signées par l’administrateur judiciaire. Si elles ont été signées par le dirigeant, les salariés auront droit à une indemnité pour procédure irrégulière égale à un mois de salaire. 
Au besoin, l’administrateur judiciaire peut dispenser un salarié de l’exécution de son préavis de licenciement. 
L’AGS couvre les sommes dues au titre de la rupture des contrats de travail.

Si la période d’observation se termine par la cession de l’entreprise ou de l’association, les contrats de travail sont en principe transférés au repreneur. Cependant, la plupart du temps, le repreneur préfère licencier une partie du personnel. Ces derniers sont alors licenciés économiquement.

Que devient le procès engagé contre l’employeur en redressement judiciaire ?

Les procès en cours devant le conseil des prud’hommes ne sont pas ni interrompus ni suspendus du fait de l’ouverture de la procédure. Ils se poursuivent, mais en présence du mandataire judiciaire et de l’AGS.

La décision qui pourra être rendue est en principe inopposable à la procédure. Toutefois, si le mandataire judiciaire oublie d’informer, dans les dix jours d’ouverture de la procédure, le conseil des prud’hommes et les salariés parties à l’instance de l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire, la décision rendue par le conseil deviendra opposable. 
En effet, dès qu’il est averti de l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire, le conseil des prud’hommes est censé convoquer le mandataire judiciaire et l’AGS.

L’élection d’un représentant des salariés

Dès le jugement d’ouverture d’une procédure de sauvegarde, le tribunal invite le comité d’entreprise (à défaut les délégués du personnel ou s’il y a en pas les salariés eux-mêmes) à élire un représentant des salariés, destiné à servir d’intermédiaire entre les salariés et le tribunal.

Son élection a lieu dans les dix jours du prononcé du jugement d’ouverture. Il est élu par vote secret au scrutin uninominal à un tour, c’est-à-dire que le candidat qui recueille le plus de voix est élu. Pour que l’élection soit valable, il n’y a pas besoin de quorum, c’est-à-dire d’un nombre minimal de votants.

Missions

Le temps passé à l’exercice de ses missions est considéré comme du temps de travail. Il doit donc être rémunéré à l’échéance normale, par l’administrateur ou le liquidateur. 
Il est aussi soumis à une obligation de discrétion en ce qui concerne les informations présentées comme ayant un caractère confidentiel par son employeur.

Le représentant des salariés doit :

  • vérifier le relevé des créances salariales qui est remis par le représentant des créanciers. Il va le signer et vérifier que les créances sont bien versées aux salariés. En cas de problème, il pourra saisir l’administrateur puis le juge-commissaire ;
  • assister ou représentant devant les prud’hommes les salariés qui contesteraient leurs créances ;
  • en l’absence de comité d’entreprise ou de délégués du personnel, exercer les fonctions dévolues à ces institutions. A ce titre, il a un droit d’information sur la situation économique de l’employeur.

Un salarié protégé

Le représentant des salariés bénéficie de la même protection que les représentants du personnel. Celle-ci cesse lorsque toutes les sommes versées par l’AGS au représentant des créanciers ont été reversées aux salariés. En revanche, dans le cadre d’une procédure simplifiée et lorsqu’il n’y a pas de comité d’entreprise, sa protection cesse au terme de la dernière audition ou consultation prévue par la procédure de redressement. 
Pour procéder à son licenciement, il faut donc que l’administrateur consulte préalablement le comité d’entreprise, s’il y en a un, et présenter une demande d’autorisation de licenciement auprès de l’inspecteur du travail.

Les salariés d’une entreprise en redressement judiciaire doivent-ils déclarer leurs créances ?

Contrairement aux autres créanciers, les salariés n’ont pas besoin de déclarer leurs créances. Il en va de même pour les salariés licenciés avant l’ouverture de la procédure. En revanche, le salarié doit penser à demander l’inscription de sa créance au mandataire judiciaire.

A partir des informations qui lui sont fournies par le débiteur, l’administrateur judiciaire et le représentant des salariés, le mandataire judiciaire va établir plusieurs relevés différents des créances salariales :

  • un couvrant les sommes bénéficiant d’un superprivilège et dues au jour du jugement d’ouverture. Il doit être établi dans les dix jours du jugement d’ouverture;
  • un second couvrant les sommes qui ne bénéficient pas d’un superprivilège et dues au jour du jugement d’ouverture. Il doit être établi dans les trois mois du jugement d’ouverture ;
  • un troisième visant les autres créances nées de la continuation d’exploitations mais qui ne bénéficient pas du superprivilège. Il doit être établi dans les trois mois qui suivent l’expiration de la période de garantie, c’est-à-dire la fin de la période d’observation et un mois après le plan de redressement.

Ils sont ensuite portés sur l’état des créances et déposé au greffe du tribunal.

Et si une créance salariale ne figure pas sur le relevé ?

Les salariés dont une partie, ou la totalité, de la créance ne figurerait pas sur le relevé des créances salariales ont deux mois pour contester, à compter de la publication du relevé dans un journal d’annonces légales, à peine de forclusion. 
La contestation se fait devant le Conseil des prud’hommes, directement devant le bureau du jugement. Il n’y aura donc pas de tentative de conciliation, comme dans le cas d’une procédure classique.

Attention, le salarié qui souhaite contester la cause de son licenciement, ne peut demander l’inscription des sommes auxquelles il aurait droit dans l’hypothèse d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Dans cette hypothèse, il doit d’abord prouver devant la juridiction prud’homale qu’il n’a pas commis de faute lourde. Les règles générales de procédure s’appliquent : une tentative de conciliation avec son employeur va donc avoir lieu. 
Même si sa créance est établie, il n’est pas certain qu’il puisse obtenir de l’AGS l’avance des sommes dues. En effet, l’avance n’est possible que si la période d’observation est suivie de la liquidation judiciaire.

Et si le délai pour contester est dépassé ?

Si le salarié a dépassé ce délai, il est en principe forclos, sauf si le mandataire judiciaire ne l’a pas averti individuellement de la date de dépôt du relevé et ne l’a pas non plus rappelé qu’il encourait la forclusion. Dans cette hypothèse, le conseil des prud’hommes accueillera sa saisine favorablement.

Mais il peut demander à être relevé de la forclusion dans un délai de six mois après la publication du jugement d’ouverture. Par exception, le délai est porté à un an pour les créanciers placés dans l’impossibilité de connaître l’existence de leur créance avant l’expiration du délai de six mois.
La demande est considérée comme implicite s’il demande la fixation de sa créance hors délai.

La demande se fait par l’envoi d’une lettre recommandée adressée au greffe du tribunal, à l’attention du juge-commissaire. Le salarié doit établir que sa défaillance n’est pas due à son fait ou qu’elle est due à une omission volontaire du débiteur lors de l’établissement de la liste des créances. Si ce n’est pas le cas, l’action en relevé de forclusion sera rejetée.

Si le salarié est relevé de la forclusion

Le relevé de la forclusion ne signifie pas forcément que la créance sera admise à la procédure, et donc bénéficiera de l’éventuelle avance de l’AGS. En effet, elle doit encore subir la procédure de vérification prévue par la loi. 
Il faut aussi savoir que le salarié relevé de la forclusion ne peut concourir que pour les distributions postérieures à sa demande.

Quand les salariés d’une entreprise en redressement judiciaire sont-ils payés ?

Les mois de travail concernés

Le paiement des salaires et congés payés est garanti par un privilège instauré par le Code du travail, que la pratique nomme « superprivilège », parce qu’il prime sur tous les autres créanciers privilégiés. Concrètement, le salarié (ainsi que l’apprenti et le façonnier) échappe à la règle de l’interdiction des paiements pour une partie de son salaire, au titre du travail effectué avant la procédure collective. 
Dans les dix jours de l’ouverture de la procédure de redressement, les rémunérations de toute nature dues aux salariés lors des 60 derniers jours de travail ou d’apprentissage (90 jours pour les marins et les VRP) doivent leur être payées. 
Il est effectué par le débiteur ou par l’administrateur judiciaire, s’il a une mission d’assistance.

Et si l’employeur ne dispose pas des fonds suffisants ?

Si l’employeur ne dispose pas des fonds suffisants, les premières rentrées d’argent enregistrées par le débiteur devront être utilisées à cet effet. En attendant, le mandataire judiciaire peut demander à l’AGS l’avance des fonds nécessaires.

La garantie de l’AGS inclue :

  • les salaires et ses accessoires ainsi que les congés payés, dus antérieurement au jugement d’ouverture et afférents à la durée visée ci-dessus. Les indemnités allouées à la victime d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle sont elles aussi couvertes. Par accessoires du salaire, on entend les commissions sur le chiffre d’affaire; le paiement d’une prime à la création d’entreprise, lorsqu’elle est prévue dans le plan social comme aide au reclassement des salariés ; les parts sociales détenues au titre de l’intéressement ; les sommes dues au titre de l’intéressement, de la participation des salariés aux fruits de l’expansion ou en application d’un accord créant un fonds salarial. 
    En revanche, les salaires et leurs accessoires nées après l’ouverture de la procédure doivent en principe être payés par l’employeur. L’avance de l’AGS n’est possible que si le tribunal prononce la liquidation judiciaire à la suite de la période d’observation du redressement.
  • les indemnités de licenciement, les indemnités de préavis et les indemnités de congés payés, dès lors que les licenciements interviennent durant la période d’observation ou dans le mois suivant le plan de redressement ou la cession de l’entreprise. Les indemnités de congés payées ne sont couvertes que pour 30 jours de rémunération.

Les sommes pouvant être avancées par l’AGS sont-elles limitées ?

La garantie de l’AGS, toutes créances salariales comprises, est limité à un certain montant, dépendant de l’ancienneté du contrat de travail au jour de la procédure collective :

  • Le plafond 4 est applicable si le contrat de travail a été conclu moins de six mois avant la date du jugement d’ouverture. Le montant maximum est fixé à 49 37 6€ pour l’année 2013.
  • Le plafond 5 est applicable si le contrat de travail a été conclu six mois au moins mais moins de deux ans avant la date du jugement d’ouverture. Le montant maximum est fixé à 61 720€ pour l’année 2013.
  • Le plafond 6 est applicable si le contrat de travail a été conclu deux ans au moins avant la date du jugement d’ouverture. Le montant maximum est fixé à 74 064€ pour l’année 2013.

Si le contrat a pris fin avant la date du jugement d’ouverture, la détermination du plafond applicable s’effectue en tenant compte de la durée du contrat.

Que faut-il faire lorsque l’AGS refuse de payer un salarié ?

Lorsque l’AGS refuse de régler une créance figurant sur le relevé des créances salariales, elle en informe le mandataire judiciaire, qui doit en informer le représentant des salariés puis le salarié concerné. Celui-ci peut alors saisir le conseil des prud’hommes. Si celui-ci estime que le refus de l’AGS n’est pas fondé, cette dernière sera obligée de verser les fonds. 
Le refus de l’AGS peut être de nature diverse : elle estime que la créance ne peut bénéficier de la garantie, qu’elle dépasse le plafond de couverture ou qu’elle est excessive.