Les créanciers d’un débiteur en redressement judiciaire se retrouvent doublement affectés par le déclenchement de cette procédure collective. L’exercice de la plupart de leurs droits est gelé et, pour prétendre au paiement de leur dû, ils sont contraints de déclarer leur créance à la procédure.

Le représentant des créanciers de l’entreprise faisant l’objet d’une procédure de redressement judiciaire : le mandataire judiciaire

Le mandataire judiciaire a qualité pour agir au nom et dans l’intérêt collectif des créanciers. Il va inviter les créanciers à déclarer leur créance, vérifier leur montant puis recueillir leur avis sur les propositions de règlement formulées par l’administrateur et le dirigeant.

Si le mandataire judiciaire n’applique pas correctement sa mission, tout créancier, du moment qu’il est nommé contrôleur, a la possibilité d’agir dans l’intérêt collectif des créanciers. Cela n’est possible qu’après que celui-ci ait adressé au mandataire une mise en demeure restée infructueuse pendant deux mois.

La possibilité de se faire nommer créanciers contrôleurs

Pour pouvoir contrôler et surveiller la procédure, tout créancier peut demander à se faire nommer contrôleur. Son rôle va consister à assister le mandataire judiciaire dans ses fonctions et le juge-commissaire dans sa mission de surveillance de l’administration du débiteur. Ses fonctions peuvent être exercées soit personnellement soit par l’un de ses préposés ou par ministère d’avocat.

N’importe quel créancier, du moment qu’il a déclaré sa créance dans les règles peut demander au juge-commissaire de le nommer contrôleur. Néanmoins, le contrôleur ou son représentant ne doit être ni parent ni allié jusqu’au 4ème degré inclusivement du chef d’entreprise ou des dirigeants de la personne morale débitrice.

Le contrôleur va disposer d’un pouvoir général de contrôle et de surveillance sur le déroulement des opérations. Dans cette optique il va pouvoir :

  • prendre connaissance de tous les documents transmis aux mandataires, y compris les offres en vue d’un plan de cession ;
  • formuler des observations ;
  • être entendu avant chaque décision importante de la procédure ;
  • demander au tribunal d’ordonner la cessation de l’activité et la conversion du redressement en liquidation judiciaire ;
  • demander au mandataire judiciaire de l’assister dans la vérification du passif ;
  • demander au juge-commissaire le remplacement ou l’adjonction d’un organe de la procédure ;
  • agir dans l’intérêt collectif des créanciers en cas de carence du mandataire judiciaire, y compris en matière de sanctions contre les dirigeants.

Les contrôleurs ne peuvent être désignés qu’après un délai de vingt jours suivant le jugement d’ouverture de la procédure. Pour devenir contrôleur, le créancier doit déposer une requête à fin de désignation de contrôleur. Celle-ci est déposée au greffe du tribunal. Le juge-commissaire va ensuite statuer dans les dix jours du dépôt de la demande.

Ils débutent leurs fonctions à compter du jour de leur nomination. Celles-ci vont se terminer :

  • le jour où la décision arrêtant le plan de redressement ou prononçant la clôture de la procédure (en cas de plan de cession ou de liquidation judiciaire) est passée en force de chose jugée, c’est-à-dire lorsque le jugement n’est susceptible d’aucun recours, ou ne l’est plus parce que les recours ont été épuisés ou que les délais pour les exercer ont expirés ;
  • ou, lors de leur révocation par le tribunal ;
  • ou, lors de leur demande de démission.

Quels sont les droits des créanciers lors d’une procédure de redressement judiciaire ?

La situation des créanciers à l’ouverture de la procédure est radicalement différente. Alors que certains voient leurs droits restreints à compter du jugement d’ouverture, les autres bénéficient d’un privilège.

    Les créanciers dont les droits sont restreints sont :

  • ceux dont la créance est née antérieurement au jugement d’ouverture ;
  • ceux dont la créance est née postérieurement au jugement, dès lors qu’elle n’est pas née pour les besoins de la procédure ou de la liquidation ainsi qu’en contrepartie d’une prestation fournie au débiteur pour son activité professionnelle.
Comment déterminer si une créance est antérieure ou postérieure au jugement d’ouverture ?

Pour les créances nées du fait de la conclusion d’un contrat :

  • la créance née d’un contrat à exécution instantanée (vente d’une marchandise dont la livraison intervient le jour-même, exécution d’une prestation le jour-même de la conclusion du contrat). La date de naissance de la créance est fixée au jour de la conclusion d’un contrat, même si le paiement intervient plus tard. Lorsque l’exécution ou la livraison a lieu à une date différente de celle de la conclusion du contrat, la date de naissance de la créance est fixée au jour de la livraison ou de l’exécution de la prestation.
  • la créance née d’un contrat dont l’exécution s’échelonne dans le temps (contrat de bail, contrat de travail, contrat d’abonnement, contrat téléphonique…). La date de naissance de la créance est fixée au moment de l’accomplissement du travail ou de la jouissance des locaux en cas de contrat de bail, même en cas d’un loyer payable d’avance. La date du paiement n’a donc aucune incidence.
  • la créance née du fait de l’inexécution, de l’interruption ou de la mauvaise exécution d’un contrat (indemnités). La date de naissance est fixée au jour de l’apparition du dommage.

Pour les créances qui ne sont pas nées du fait de la conclusion d’un contrat :

  • la créance extracontractuelle (engagement de la responsabilité de l’association conduisant au paiement de dommages et intérêts, infraction donnant lieu au paiement d’une amende, retrait d’une subvention…). C’est la date du fait dommageable, de l’infraction ou de la décision de retrait de la subvention qui constitue la date de naissance de la créance.
  • les créances de cotisations sociales. Lorsque l’association emploie des salariés, les cotisations sociales dues sont considérées comme naissant lors du travail effectué par le salarié et non au jour du paiement du salaire.
  • la créance fiscale. Pour les impôts basés sur les revenus, la date de naissance de la créance est fixée à l’expiration de l’exercice au cours duquel les revenus ont été perçus.

La suspension des actions en justice engagées contre le débiteur

L’ouverture de la procédure de redressement judiciaire interrompt les poursuites déjà engagées contre le débiteur et empêche les créanciers d’en déclencher une nouvelle, qu’ils soient chirographaires ou privilégiés. Mais cette règle ne comporte plusieurs exceptions.

Plusieurs hypothèses doivent être distinguées :

  1. Le créancier a fait pratiquer la saisie-attribution d’une créance à exécution successive (loyers, gaz, électricité…), avant le jugement d’ouverture. La saisie poursuit ses effets sur les sommes parvenues à échéance, même après l’ouverture de la procédure.
  2. Le débiteur est déjà partie à un procès en cours. Si le débiteur est déjà engagé dans un procès, celui-ci est suspendu jusqu’à ce que le créancier ait déclaré sa créance. Une fois la déclaration effectuée, le procès reprend mais ne pourra permettre que la constatation de la dette du débiteur et la fixation de son montant. Celui-ci n’est pas tenue de la régler à ce moment-là.
  3. Un créancier intente une action en justice tendant à la condamnation du débiteur au paiement d’une somme d’argent ou à la résolution d’un contrat pour défaut de paiement. Le jugement d’ouverture interdit et interrompt toute action de ce type, excepté si le créancier dispose du privilège dit de l’argent frais. Bénéficient de ce privilège les dettes contractées après le jugement d’ouverture soit pour les besoins de la procédure ou de la période d’observations soit en contrepartie d’une prestation fournie à l’entreprise doivent être payées à leur échéance et pour lesquelles l’association n’a pas été en mesure de les payer à l’échéance. Ce privilège va permettre au créancier d’être payé par préférence aux autres créanciers.
  4. Un créancier tente de faire saisir des biens que détient le débiteur. Le jugement d’ouverture arrête ou interdit toute procédure d’exécution de la part des mêmes créanciers tant sur les meubles que les immeubles (terrains et locaux) du débiteur. Si le bien a déjà été vendu aux enchères, la remise des sommes revenant à chacun des créanciers est également interdite ou interrompue.
  5. Un créancier tente de revendiquer un bien lui appartenant. Les créanciers qui disposent d’un droit de propriété sur un bien meuble que le débiteur détient (par exemple par l’effet d’un contrat de crédit-bail) ne peuvent exercer une action en revendication que pendant un délai de trois mois à compter de l’ouverture de la procédure de liquidation. Toutefois, si le contrat a été publié, le créancier est dispensé de faire reconnaître son droit de propriété et peut réclamer la restitution de son bien.

Les personnes coobligées (personne tenue d’une dette avec d’autres, notamment parce que la dette a été contractée avec solidarité ou que celle-ci est indivisible), les cautions et les personnes ayant affecté ou cédé un bien en garantie bénéficient elles aussi de la règle de la suspension des poursuites durant la liquidation.

L’interdiction de se faire payer par le débiteur

Le débiteur n’a pas le droit de payer spontanément l’un de ses créanciers durant le redressement judiciaire, qu’il s’agisse d’un créancier chirographaire ou privilégié. Par exception, restent possibles :

  • le règlement par compensation de créances issues d’un même contrat ou d’un même ensemble contractuel
  • le paiement des créances alimentaires, quelle que soit leur date de naissance
  • le paiement des créances nées après le jugement d’ouverture pour les besoins du déroulement de la procédure, ou en contrepartie d’une prestation fournie au débiteur pendant cette période
  • sur autorisation du juge-commissaire et lorsqu’ils sont justifiés par la poursuite de l’activité : le paiement de créances antérieures permettant de retirer un bien retenu par le créancier, d’obtenir le retour de biens et droits transférés dans un patrimoine fiduciaire ou pour lever l’option d’achat d’un contrat de crédit-bail

L’interdiction des inscriptions

Cette interdiction signifie que, dès l’ouverture de la procédure, les créanciers ne peuvent plus :

  • inscrire une hypothèque, un gage, un nantissement ou un privilège sur l’un des biens du débiteur
  • effectuer des actes ou obtenir des décisions judiciaires translatifs ou constitutifs de droits réels, sauf si les actes ont acquis date certaine ou que les décisions judiciaires sont devenues exécutoires avant l’ouverture de la procédure

Par exception, cette règle n’a pas cours à l’égard de deux catégories de créanciers :

  • le Trésor public, pour les créances qu’il n’était pas tenu d’inscrire à la date du jugement d’ouverture et pour les créances mises en recouvrement après cette date ;
  • le vendeur de fonds de commerce, qui conserve la possibilité d’inscrire son privilège.

L’arrêt du cours des intérêts

Dès l’ouverture de la procédure, les intérêts prévus par la loi ou par un contrat, les intérêts de retard et les majorations afférant à des créances nées antérieurement cessent de courir. 
Cette règle concerne tous les créanciers et bénéficie aussi aux garants personnes physiques du débiteur.

Deux catégories de contrats ne sont pas concernées par cette règle :

  • les contrats de prêt (sauf le crédit-bail) conclus pour une durée égale ou supérieure à un an ;
  • les contrats assortis d’un paiement différé d’un an ou plus.