La cessation du droit de bail, seule ou dans la cadre du fonds de commerce, a comme conséquence que le cessionnaire se trouve substitué au cédant dans ses droits et obligations à l’égard du bailleur tels qu’ils sont définis dans les clauses et conditions du bail cédé.

En particulier, il est tenu au paiement du loyer en principe à compter de la date de prise d’effet de la cession sauf clauses contraires dans l’acte de cession.

Très souvent les baux contiennent une clause de solidarité en vertu de laquelle le locataire cédant demeure, en cas de cession, solidairement responsable avec le cessionnaire de l’exécution des clauses du bail et paiement de loyer. Cette solidarité cesse à l’expiration du bail au cours duquel est intervenue la cession et ne produit pas d’effet au cours du bail renouvelé, sauf clause contraire. En revanche, en cas de tacite prolongation, la solidarité demeure. D’autre part, sauf stipulation contraire, la garantie de solidarité du cédant ne s’applique qu’à l’égard de son cessionnaire, à l’exclusion des cessionnaires successifs. Il ne sera pas abordé ici la question de la régularité de la cession en cas de disparition du cédant en tant que personne morale du moment de la cession. En cas tout état de cause, la clause de solidarité ne joue pas en cas de mauvaise foi du bailleur.

Tout autre est le sort de la clause de garantie de solidarité pour les entreprises en difficulté.

L’article L.622-15 du Code de commerce applicable à la procédure de sauvegarde énonce que : « en cas de cession du bail, toute clause imposant au cédant des dispositions solidaires avec le cessionnaire est réputée non écrite. »

Cet article est applicable à la procédure de redressement judiciaire (article L.631-14 du Code de commerce).

L’ancien article L.641-12 du Code de commerce en son alinéa 2, concernant la procédure de liquidation judiciaire, disposait également que : « le liquidateur ou l’administrateur peut continuer le bail ou le céder dans les conditions prévues au contrat conclu avec le bailleur avec tous les droits et obligations qui s’y rattachent. En cas de cession du bail, les dispositions de l’article L.622-15 sont applicables ».

Le nouvel article L.641-12, tel qu’il a été modifié par l’ordonnance du 18 décembre 2008, (l’ordonnance du 9 décembre 2010 a modifié le premier alinéa), prévoit en son alinéa 5 que : « Le liquidateur peut céder le bail dans les conditions prévues en contrat conclu avec le bailleur avec tous les droits et obligations qui s’y rattachent. En ce cas, toute clause imposant au cédant des dispositions solidaire avec le cessionnaire est réputée non écrite ».

Il résulte de ces textes que, en matière de sauvegarde, redressement judiciaire ou liquidation judiciaire, les clauses réputées non écrites sont celles prévoyant, en cas de cession de bail, que le cédant est tenu solidairement avec le cessionnaire de l’exécution des clauses et condition du bail cédé. Le cédant ne peut dont être garant dans ce cas. 

Il en est tout autrement lors qu’à l’inverse, il est stipulé dans le bail cédé que ce n’est pas le cédant qui est tenu solidairement, mais également le cessionnaire qui est garant notamment du paiement des sommes dues par le locataire cédant au titre du bail.

Ainsi, deux sociétés avaient donné à bail commercial à une société des locaux.

Les baux contenaient une clause selon laquelle « en cas de cession régulière, le preneur restera, sauf le cas où le bailleur aurait usé de son droit de préférence, garant et conjoint avec son cessionnaire et tous cessionnaires successifs, du paiement des loyers et charges échus ou à échoir et de l’exécution des conditions du présent bail » et « le cessionnaire sera dans tous les cas, du seul fait de la cession, garant le paiement par le preneur de la totalité des sommes dues au titre du présent bail par ledit preneur à la date de la cession ».

La société preneuse a été mise en liquidation judiciaire et le juge commissaire avait autorisé la vente de gré à gré du fonds de commerce, comprenant la cession des baux annexés à l’acte de cession intervenu et notifié aux bailleurs par le cessionnaire.

En exécution des clauses de solidarité susvisées, les bailleurs ont alors réclamé au cessionnaire le paiement des loyers non réglés par le cédant, même ceux antérieurs au jugement prononçant la liquidation judiciaire. En fait, postérieurement à la cession, un jugement est intervenu pour fixer le loyer révisé à compter d’une date antérieur de deux ans environ au jugement d’ouverture. Le loyer révisé d’un montant important était impayé et a donné lieu  à un commandement de payer avec visa de la clause de résolutoire auquel il a été fait opposition.

Les juges du fond ayant droit à la demande des bailleurs, le cessionnaire a soutenu devant la Cour de Cassation qu’ils avaient méconnu la règle réputant non écrite la clause imposant une garantie solidaire du cédant avec le cessionnaire.

Il a d’autre part argué que l’ordonnance du juge commissaire autorisant la vente s’était bornée à prévoir que l’acquéreur serait tenu de payer le prix d’achat du fonds de commerce du débiteur et que le cessionnaire ferait son affaire personnelle du paiement des sommes dues au titre de la révision du loyer à compter de l’ordonnance, sans mettre à sa charge le paiement de la dette constituée du solde de l’arriéré des loyers non payés par le débiteur, alors que, selon le pourvoi, l’acquéreur du bien appartenant à un débiteur en état de liquidation judiciaire ne saurait être tenu d’exécuter d’autres obligations que celles fixées par l’ordonnance du juge-commissaire autorisant la vente de gré à gré de ce bien, aux termes de l’article L.642-19 du Code de Commerce.

Par arrêt du 27 septembre 2011, la Cour de Cassation a jugé que : « il résulte de la combinaison des articles L.641-12 et L.642-19 du Code de commerce, dans leur rédaction antérieure à l’ordonnance du 18 décembre 2008 et 1134 du code civil, qu’en cas de liquidation judiciaire, la cession du droit de bail se fait aux conditions prévues par le contrat à la date du jugement d’ouverture, à l’exception de la clause imposant au cédant des obligations solidaires avec le cessionnaire ; qu’ayant relevé que les deux baux annexés à l’acte de cession du fonds de commerce, prévoient que « le cessionnaire sera dans tous les cas, du seul faits de la cession, garant du paiement par le preneur de la totalité des sommes du au titre de présent bail par ledit preneur à la date de la cession », l’arrêt en déduit, à bon droit, que les bailleurs étaient fondés à se prévaloir de ces stipulations contractuelles, peu important qu’elles n’aient pas été reproduites dans l’ordonnance du juge-commissaire autorisant la cession ».

Cette solution est juridiquement justifiée, dès lors que la seul clause de garantie solidaire pesant sur le cédant est réputée non écrite, de sorte que la clause de garantie solidaire pesant sur le cessionnaire est parfaitement valable.

Et, il importe peu que l’ordonnance du juge commissaire n’ait pas visé la clause de garantie, puisque la cession est conclue avec tous les droits et obligations se rattachant au bail cédé, conformément aux dispositions des articles L.641-12 du Code de commerce et 1134 du Code civil selon lequel « les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ».

Deux enseignements peuvent être tirés de cette jurisprudence. 

Le premier, c’est une évidence : une bonne lecteur, notamment par un professionnel qui engage sa responsabilité, vaut mieux qu’un mauvais procès.

Le second : le clause litigieuse est un bon moyen d’éviter de soumettre le recouvrement d’une créance aux aléas de la procédure collective.