Deux projets vont marquer le droit des affaires en 2014 : l’un relative au statut de l’entreprise individuelle, l’autre relatif aux entreprises en difficulté.

Le projet de réforme relatif au statu juridique unique de l’entreprise individuelle

Le gouvernement souhaite fixer un nouveau cadre juridique, fiscal et social applicable aux seuls entrepreneurs individuels. Le rapport sur la simplification des régimes juridiques, sociaux et fiscaux de l’entrepreneuriat individuel a été remis le 17 décembre 2013 à la ministre de l’Artisanat, du Commerce et du Tourisme et à la ministre déléguée chargée des Petites et Moyennes Entreprises, de l’Innovation et de l’Economie numérique. Sur la base de ce rapport, le Gouvernement est disposé à engager la réflexion sur la création d’un statut juridique unique de l’entreprise, au travers d’un groupe de travail constitué début 2014. S’agissant des propositions du rapport en matière de prélèvements fiscaux et sociaux, le gouvernement voudrait compléter les orientations du rapport par des propositions chiffrées qui donneront lieu à une concertation auprès des différentes parties intéressées, en vue d’arrêter début l’année prochaine, le cadre fiscal et social qui serait applicable aux entrepreneurs individuels.

Parmi les nombreuses recommandations retenues, on relèvera les suivantes : 

  • la création d’un statut juridique unique d’entreprise individuelle qui serait dotée de la personnalité juridique et disposerait d’un patrimoine propre ;
  • la création corrélative, et par défaut, d’un patrimoine nul pour l’entreprise individuelle, associé à une solidarité personnelle de l’entrepreneur;
  • l’insaisissabilité par défaut de l’habitation principale pour tout entrepreneur individuel ; 
  • la création d’un registre d’information légale. Celui-ci serait distinct du RCS et il conviendrais de veilleur à la simplicité de son utilisation et à la modicité de ses coûts d’utilisation ; 
  • la disparition de toutes les autres formes juridiques de société unipersonnelle, dans la mesure du possible et sous réserve que les contraintes administratives induites ne soient pas disproportionnées avec la réalité des entreprises individuelles ; 
  • l’existence de deux régimes fiscaux et sociaux aux entrepreneurs : un régime réel et un régime simplifié (forfaitaire) ; 
  • la création d’un impôt sur les entreprises (IE) équivalent de l’impôt sur les sociétés, applicable aux bénéfices de l’entreprise individuelle ; 
  • sous-réserve d’une évaluation précise des impacts induits, le remplacement de l’option pour le prélèvement forfaitaire libératoire par un option pour l’acompte ; 
  • pour les entrepreneurs au régime forfaitaire, le remplacement de a CFE par une Contribution économique territoriale proportionnelle au chiffre d’affaires ;
  • pour tous les entrepreneurs, le remplacement de la contribution à la formation professionnelle (CFP), forfaitaire, par une cotisation proportionnelle et plafonnée, dont le recouvrement serait unifié et confié au RSI ; 
  • l’utilisation de la voie électronique pour les déclarations et les paiement des impôts et cotisations des entrepreneurs soumis au régime du forfait.

Le projet de réforme portant sur les entreprises en difficulté

 L’article 2 du projet de loi n°1617 habilitant le gouvernement à simplifier et sécuriser la vie des entreprises donne des indications sur les grandes lignes de la réforme du droit des entreprises en difficulté qui interviendra par voie d’ordonnance très prochainement.

> Amélioration de la prévention

Le projet prévoit diverses dispositions en vue favoriser le recours aux mesures ou procédures de prévention. Ainsi, le champ d’application de l’alerte du Président du Tribunal de Grande Instance serait élargi. Il y aurait aussi la volonté de limiter les coûts liés au recours aux procédures de prévention telles que le mandat ac hoc ou la conciliation, en ce qui concerne notamment la rémunération allouée aux intervenants désignés (conciliateurs ou mandataires ad hoc) qui pèse exclusivement sur l’entreprise lorsqu’elle demande le bénéfice de ces procédures. Les clauses des contrats qui font obstacle au recours au mandat ad hoc ou à la conciliation seraient paralysées. Il est également envisagé de faciliter la recherche de nouveaux financements, en améliorant les garanties pouvant s’y attacher. Ceci suppose sans doute d’améliorer l’efficacité du privilège de conciliation institué au profit des créanciers qui aident l’entreprise à se renflouer. 

> Création d’une nouvelle procédure de sauvegarde

La projet prévoit aussi d’assouplir les conditions d’ouverture de la procédure de sauvegarde financière accélérée mais, surtout, de créer une procédure de sauvegarde, incluant les créanciers non financiers, ouverte en cas d’échec d’une procédure de conciliation. Ainsi, une nouvelle procédure, elle aussi variante de la procédure de sauvegarde verrait le jour.

> Amélioration de la répartition des pouvoirs 

Des dispositions relatives à un meilleure répartition des pouvoirs entre les acteurs de la procédure collective devraient être mises en place. Le projet cite notamment le rôle des comités de créanciers, l’amélioration de l’information des salariés mais aussi les droits des actionnaires dont le sort est appelé à subir des restrictions.

> Accélération des procédures en liquidation

Le législateur souhaite accélérer le déroulement des procédures liquidatives et il envisage, en particulier, la mise en place d’une procédure spécifique destinée aux débiteurs qui ne disposent pas de salariés, ni d’actifs permettant de couvrir les frais de procédure. En pareille occurrence, il n’y aurait pas de procédure liquidative puisqu’il n’y a pas d’actif mais un simple contrôle de cette situation.

En même temps, la clôture de la liquidation judiciaire pour insuffisance d’actif serait possible lorsque le coût de la réalisation des actifs résiduels est disproportionnée, alors qu’actuellement, elle est exclue dès lors que subsiste un actif même s’il est d’une valeur très faible et difficile à réaliser. Ceci permettrait aux entrepreneurs visés de pouvoir créer rapidement une autre entreprise. L’amélioration  des procédures liquidatives se traduirait notamment par la dissociation de la durée du dessaisissement imposé au débiteur de celle des opérations de réalisation et de répartition de son actif. On peut également signaler que la dissolution de plein droit de la société dès l’ouverture de la procédures prévue au 7° de l’article 1844-7 du code civil serait remise en cause.

> Transparence procédurale

Il est prévu de revoir les critères de renvoi d’une affaire devant une autre juridiction, pour tenir compte de l’appartenance du débiteur à un groupe de sociétés ou de l’importance de l’affaire. Il s’agit aussi de préciser les conditions d’intervention et le rôle du ministre public et des organes de la procédure. La compétence et le pouvoirs du juge-commissaire seraient clarifiés ce qui se traduirait notamment de l’adaptation de son statut juridictionnel. Au passage, les modalités de déclaration des créances et de vérification du passif devraient être améliorées. Le projet prévoit également de tirer les conséquences de la décision de Conseil constitutionnel du 7 décembre 2012 qui avait jugé contraire à la constitution, la saisine d’office du tribunal en vue de l’ouverture d’une procédure collective. On en sais pas encore si cette saisine sera rétablie en l’entourant de garanties procédurales légales nécessaires ou si une autre voie sera suivie comme par exemple la transmission des éléments dont il aurait connaissance par le Président du tribunal, au ministère public.

Le projet de loi ainsi que l’ordonnance ont été mis en ligne sur le site du Ministère de la Justice. Toute personne intéressée est invitée à en prendre connaissance et à transmettre ses observations sur chacune des dispositions envisagées à l’aide d’une formulaire mis en ligne.

Une précision sur la modification du régime d’insaisissabilité des biens de l’entrepreneur

L’entrepreneur individuel dispose actuellement de diverses opportunités juridiques pour protéger son patrimoine. Parmi celle-ci, la déclaration d’insaisissabilité effectuée par devant notaire constitue une mesure intéressante puisqu’elle permet de soustraire les biens immobiliers de son choix au risque de saisie. En effet, toute personne physique immatriculée à un registre de publicité légale à caractère professionnel ou exerçant une activité professionnelle agricole ou indépendante peut déclarer insaisissabilité des droits sur l’immeuble où est fixée sa résidence principale ainsi que sur tout bien foncier bâti ou non bâti qu’elle n’a pas affecté à son usage professionnel.

Cette insaisissabilité n’est opposable qu’aux créanciers dont les droits naissent, postérieurement à la publication, à l’occasion de l’activité professionnelle du déclarant. Les titulaires de créances nées de l’activité non professionnelle de l’entrepreneur individuel peuvent, quant à eux, faire saisir la résidence principale.

Toutefois, cette option comporte des limites notamment à l’égard de l’administration fiscale. En effet, la loi du 6 décembre 2013 relative à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière complète l’article L. 526-1 du code du commerce de la précision selon laquelle cette déclaration n’est pas opposable à l’administration fiscale lorsque celle-ci relève, à l’encontre du déclarant, soit des manœuvres frauduleuses, soit l’inobservation grave et répétée de ses obligations fiscales, au sens de l’article 1729 du code général des impôts.

Date de création du fond de commerces et conséquence sur les biens de communauté

Une affaire a été soumise au juge pour déterminer le sort du fonds de commerce créée entre des époux communs en biens. Le premier intérêt de cette affaire réside dans le fait de savoir à partir de quel moment un fonds de commerce, en l’espère une officine de pharmacie, créé par un seul époux, peut être qualifié de bien commun. Pour la Cour de cassation, c’est à la date de création du fonds qu’il faut se référer. Créé par un des deux époux avant le mariage, il constitue un bien propre ; à l’inverse, créé après le mariage, il constitue alors un acquêt de communauté.

La cour de cassation rejette sa demande en adoptant le raisonnement suivant : certes, l’épouse justifiait avoir disposé du local commercial dans lequel était exploitée la pharmacie avant la mariage. De même, c’est avant le mariage, qu’elle avait obtenu l’autorisation préfectorale de création de cette officine. Mais à la date de l’obtention de l’autorisation préfectorale de création de l’officine, la clientèle n’existait que de manière potentielle.Or, la clientèle est un élément essentiel du fonds de commerce, et ce n’est que lors de l’ouverture au public, qu’une clientèle réelle et certaine avait été créée. L’officine n’ayant été ouverte que postérieurement au mariage des époux, sa valeur devait donc être réintégrée dans l’actif de la communauté.