La comptabilisation des actifs d’une activité reprise à la barre du tribunal est effectuée sur la base des énonciations de la décisions du tribunal de commerce. Mais certains jugements peuvent laisser subsister des doutes sur les valorisations à attribuer aux actifs. La Commission des études comptables de la CNCC est souvent saisie de cette difficulté. Elle en outre récemment pris position sur la question de la date de comptabilisation des actifs transmis.
L’évaluation des actifs repris : le principe
La Commission des études comptables a eu l’occasion d’affirmer le principe selon lequel les actifs repris dans le cadre d’une redressement judiciaire ou d’une liquidation sont comptabilisés par l’entreprise repreneuse pour les montants auxquels ils ont été évalués par le tribunal de commerce. Ce principe est par exemple énoncé dans une réponde publiées par la CNCC dans son bulletin de décembre 1992 (n° 92, pages 536 et 537). La Commission se fonde sur l’article 12 du Code de commerce (devenu article L 123-18) prévoyant que les biens acquis à titre onéreux sont enregistrés à leur coût d’acquisition à leur date d’entrée dans le patrimoine.
Peu importe la valeur réelle des biens repris, le repreneur se borne à inscrire dans ses comptes sociaux les montants figurant dans le jugement du tribunal de commerce. Il est présumé que ces montants reflètent leur valeur réelle.
L’approche à retenir dans les comptes consolidés
Dans le cadre des comptes consolidés, la règle d’affectation du coût d’acquisition d’une activité aux éléments identifiables acquis trouverait ici à s’appliquer. S’il s’avère que les valeurs des actifs repris comptabilisées dans les comptes individuels ne correspond pas à leur valeur d’utilité, telle que définie par le paragraphe 21122 du règlement CRC 99-02, il conviendrait que le coût global supporté par le repreneur soit réalloué à l’occasion de la préparation de ses comptes consolidés.
Un tel raisonnement effectué sous le visa du règlement CRC 99-02 serait a fortiori suivi selon les dispositions de la normes IFRS 3, à condition que l’activité reprise se qualifie en tant qu’entreprise tel que ce concept est défini par la norme IFRS 3 (IFRS 3, B7 à B12).
Le cas où des passifs sont mis à la charge du repreneur
Il arrive qu’après avoir énoncé les actifs repris et leur valeur individuelle ou globale, dont le repreneur doit s’acquitter, le jugement précise que le repreneur doit en outre reprendre un passif, tel que la dette correspondant aux congés payer aux salariés repris. Le paiement effectuée pour acquérir les actifs a pour contrepartie chacun des actifs repris, évalués dans le jugement. Mais par quelle contrepartie comptabiliser le passif repris ? Lorsque les actifs repris correspondent à une activité disposant d’un fonds commercial, la CNCC considère que la contrepartie de ce passif est le poste fonds commercial (bulletin CNCC n°135, septembre 2004, page 133).
Mais il peut arriver que les actifs repris soient des actifs isolés ne formant pas un fonds de commerce. La Commission des études comptes a examiné récemment (bulletin CNCC n°171, septembre 2013, page 512 – 514) le cas où le repreneur faisait l’acquisition de deux lignes de titres de participation et d’un compte courant. La repreneur devait payer la somme de la valeur de chacun de ces trois actifs. Parallèlement, le tribunal mettait à la charge du repreneur une dette de la société en redressement judiciaire. Dans ce contexte précis, la Commission a constaté que le repreneur ne faisait pas l’acquisition d’une activité mais d’actif isolés. Il n’était donc pas possible de comptabiliser en fonds de commerce la contrepartie du passif repris.
La Commission a conclu que la valeur de chacun des actifs figurant sur le jugement du tribunal de commerce ne correspondait pas à leur coût réel, celui-ci s’obtenant en additionnant le prix payé par le repreneur et la passif repris. Ce coût réel global doit être ventilé sur chacun des trois actifs repris en faisant application de l’article 321-8 du plan comptable général, selon lequel la valeur d’entrée individuelle d’actifs acquis pour un prix global s’obtient en proportion de la valeur attribuable à chacun d’eux ; à défaut de pouvoir évaluer directement chacun d’eux, cet article du PCG précise que la valeur de marché est retenue pour ceux évaluables de cette manière, les autres étant évalués par différence.
Cette position de la Commissions transgresse le principe de comptabilisation à la valeur figurant dans le jugement des actifs repris. Mais, elle résulte des circonstances qui interdisaient d’utiliser le fonds de commerce comme rubrique d’ajustement. On ne peut qu’encourager cette orientation, y compris dans le cas des reprises d’activité pour lesquelles les valeurs retenues dans le jugement seraient exagérément déconnectées de la réalité.
La date de comptabilisation des actifs repris
La Commission des études juridiques et la Commission des études comptables ont examiné la question de la date à laquelle les actifs repris doivent être comptabilisés par le repreneur (bulletin de la CNCC n°172, décembre 2013, pages 674 à 677). Le jugement en cause fixait la date d’entrée en jouissance des biens, à charge pour l’administrateur judiciaire de procéder à la régularisation de l’acte de cession. Alors que le repreneur avait payé les matériels et les stocks repris et le exploitait, l’acte de cession n’avait toujours pas été signé. Pouvait-il néanmoins comptabiliser ces actifs à son bilan ?
La Commission des études juridiques observe que le repreneur n’est pas propriétaire des actifs exploités tant que la cession n’a pas été formalisée. Néanmoins, le repreneur doit être considéré comme un possesseur de bonne foi. Se fondant sur cette analyse et observant que les dispositions du plan comptable général, ne font pas de la propriété d’un bien une condition nécessaire à sa comptabilisation à l’actif, la Commission des études comptables en conclut que le repreneur doit comptabiliser les biens repris à la date où il en a pris possession et non à celle où il en deviendra le propriétaire. Ce faisant, le Commission allonge la liste, certes peu importante, des cas où une entité comptabilise à son bilan des actifs dont il n’est pas propriétaire (les stocks avec réserve de propriété ; les équipements concédés à un concessionnaire de service public…).