Dans un article précédent, il a été rappelé la décision de la Cour de Cassation du 28 juin 2011 selon laquelle l’article L.622-14 du Code du commerce permettant au bailleur de demander la résiliation ou faire constater la résiliation du bail pour défaut de paiement des loyers et charges afférentes à une occupation postérieurs au jugement d’ouverture, ne dérogeait pas aux dispositions de l’article L.145-41 du Code de commerce imposant la délivrance d’un commandement de payer avant toute action en référé aux fins de constat de l’acquisition de la clause résolutoire.

La Cour de cassation a confirmé cette jurisprudence dans un arrêt du 6 décembre 2011.

Un locataire a été mis en liquidation judiciaire. Le bailleur a fait délivrer au liquidateur judiciaire un commandement de payer les loyers échus postérieurement au jugement d’ouverture avec visa de la clause résolutoire, puis assigné le liquidateur aux fins de constat de l’acquisition de la clause résolutoire.

La liquidateur, qui poursuivait la cession des éléments de fonds de commerce du locataire, a alors sollicité des délais de paiement et la suspension des effets de la clause résolutoire en application de l’article L.145-41 alinéa 2 du Code de commerce.

Les juges du fond ont accordé des délais de paiement et suspendu les effets de la clause résolutoire.

Ils estimaient que : 

  • « selon l’article L.622-14 du Code de commerce, la résiliation du bail des immeubles loués à un débiteur placé en redressement ou liquidation judiciaire peut intervenir lorsque le bailleur demande la résiliation du bail pour défaut de paiement des loyers et charges afférents à une occupation postérieure au jugement d’ouverture » ; 
  • « ce texte se bornes à interdire au bailleur d’agir avant expiration d’un délais de trois mois à compter du jugement d’ouverture »
  • « les dispositions de l’article L.622-14 du Code de commerce, en ce qu’elles instaurent une période de trois mois au cours de laquelle la résiliation du bail ne peut être ni demandée ni produire ses effets, ne dérogent pas à celles, constituant le droit commun en la matière, de l’article L.145-41 du Code de commerce, selon lesquelles le juge peut toujours accorder au locataire, dans les formes et conditions prévues à l’article 1244-1 du Code civil, des délais et suspendre les effets de la clause résolutoire pendant le cours de ces derniers, et ce tant qu’il n’a pas été statué sur la résiliation »

Pour justifier l’octroi de délais, les juges du fond relevaient que, devant l’impossibilité de continuer l’exploitation de fonds, le liquidateur avait trouvé un acquéreur, que le cession avait autorisée, puis contestée en vain par le bailleur, que « le liquidateur, confronté aux difficultés du débiteur, a fait diligence pour céder les éléments du fonds de commerce et permettre de désintéresser le bailleur avant l’expiration même au délai de trois mois prévu par l’article L.622-14 du Code de commerce, et que seule la poursuite par le bailleur de la résiliation du bail est à l’origine du préjudice qu’il invoque, ce préjudice étant au demeurant appelé à cesser par l’obligation dans laquelle se trouve le liquidateur de régler les échéances de loyers postérieures à la liquidation ».

Le pourvoir a critiqué cet arrêt sur deux points : 

  • La règle spécial prévue à l’article L.622-14 du Code de commerce, selon laquelle, en cas de mise en oeuvre de la clause résolutoire pour défaut de paiement des loyers, le liquidateur dispose d’un délai de trois mois à compter du jugement d’ouverture pour régler la créance impayée, dérogé la règles générale, prévue à l’article L.145-41 du même code, permettant à tout débiteur de solliciter des délais de paiement ; ce deux règles ne peuvent donc se cumuler.

Ainsi, la règle spéciale propre à la liquidation judiciaire ne permettrait pas le recours à la règle générale propre aux baux commerciaux et donc à la faculté de demander des délais de paiement.

  • Subsidiairement, le juge excède ses pouvoirs, en accordant des délais de paiement pour permettre au liquidateur de céder les fonds de commerce et non directement pour régler les causes du commandement de payer visant la clause résolutoire. Selon, le pourvoi, les délais de grâce prévus par les articles L.145-41 du Code de commerce et 1244-1 du Code civil ne peuvent servir qu’à permettre au débiteur de régler sa dette : « et non à optimiser une opération financière telle que la cessation du fonds ».

Dans son arrêt du 6 décembre 2011, la Cour de Cassation a décidé que : 

  • « L’article L.622-14 du Code de commerce n’interdit pas au liquidateur de se prévaloir des dispositions de l’article L.145-41 du même code et de solliciter des délais de paiement ainsi que la suspension des effets de la clause résolutoire tant que la résiliation du bail n’est pas constatée par une décision passée en force de chose jugée ».
  • « La cour d’appel, qui ne s’est pas bornée à observer que le liquidateur tentait de céder le fonds à un repreneur et que l’octroi de délai de grâce l’y aiderait, mais qui a relevé que le liquidateur a fait diligence pour céder les éléments du fonds de commerce et permettre de désintéresser le bailleur, n’as pas comme le grief évoqué » par le pourvoi.

Cet arrêt confirme donc le cumul des deux règles applicables à la liquidation judiciaire et aux baux commerciaux, à l’avantage du preneur qui bénéficie du premier délai de trois mois et est susceptible de bénéficier d’éventuels délais de grâce.

En conséquence, le bailleur, qui ne serait pas payés des loyers postérieurs au jugement d’ouverture, peut, en respectant le délai de trois mois pour agir, délivrer un commandement de payer un visa de la clause résolutoire et, ensuite, assigner en référé aux fins principalement de constat de l’acquisition de la clause résolutoire, d’expulsion et de paiement, à titre provisionnel, des arriérés de loyers.

Dans le cadre de cette procédure, la liquidateur pourra solliciter des délais de paiement et la suspension des effets de la clause résolutoire.

La justification de l’octroi de délais est règlements des loyers impayés.

Il a été jugé qu’on ne pouvait accorder à la société locataire un délai de trois mois pour réaliser la vente de son fonds de commerce et suspendre pendant ce délai les effets de le clause résolutoire, en retenant qu la vente du fonds, que seule une absence de résiliation du bail autorise, est de nature à permettre le désintéressement, au moins partiel, des créanciers et plus spécialement celui de la propriétaire qui pourra être réglée de sa créance, même si celle-ci entre temps augmenté, alors que l’octroi de délais et la suspension des effets de la clause résolutoire sont subordonnés au règlement des causes du commandement.

Ainsi, le juge ne peut accorder des délais dans le seul de but de trouver un acquéreur éventuel du fonds de commerce.

Pourtant, dans le cas de l’arrêt du 6 décembre 2001, le liquidateur a obtenu des délais dans ce but, mais, il convient de relever les circonstances particulières de l’espèce où le liquidateur avait fait diligence pour céder le fonds de commerce et permettre le règlement des loyers dans le délai de trois mois, alors que le comportement du bailleur avait retardé cette issue.

Il faut donc voir là un cas d’espèce qui ne saurait occulter la règle générale relative à l’octroi des délais.

Il reste une interrogation.

L’article R 622-12 du Code du Commerce (redressement judiciaire) dispose de : « … Le juge-commissaire constate, sur le demande de tout intéressé, la résiliation de plein droit des contrats dans les cas prévus au III de l’article L.622-12 et à l’article L.622-14, ainsi que la date de cette résiliation… »

L’article R 641-21 du même code (liquidation judiciaire) énonce que : « … Le juge-Commissaire constate, sur la demande de tout intéressé, la résiliation de plein droits des contrats dans les cas prévues au III de l’article L.641-11-1 et à l’article L.641-12 ainsi que la date de cette résiliation… » 

A ce jour, la question n’est pas tranchée de savoir si, dans le cadre de cette procédure, le régime de la clause résolutoire est susceptible de s’appliquer.